71. Chernobyl

Samedi 26 avril 1986, 01h23, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Chernobyl explose, entraînant la plus grosse catastrophe nucléaire de l’histoire. Cet accident fait suite à une série ahurissante d’erreurs et de négligences depuis la conception du réacteur (type RBMK russe), sa construction, et surtout sa conduite en écart avec les procédures.
Dans les jours qui ont suivi l’explosion, il a fallu lutter contre l’incendie du réacteur et la dissémination de matières radioactives dans l’atmosphère, dans des conditions épouvantables liées à la radioactivité et au manque de moyens appropriés. Je n’entrerai pas dans les détails, le sujet étant très compliqué et controversé, mais je vous conseille la lecture de l’article de Wikipedia qui me semble bien fait.
Entre le 27 avril et le 7 mai, la population aux alentours de la centrale a été évacuée sur une zone d’environ 30 km appelée aujourd’hui zone d’exclusion. Plus de 150 000 personnes ont ainsi dû quitter précipitamment 110 villes et villages qui sont aujourd’hui quasi-déserts et mangés par la nature qui reprend le dessus. Quasi car près de 60 000 personnes sont revenu habiter dans la zone des 30 km, voire même des 10 km ! Certains des villages évacués comme Kopachi, faits de maisons de bois qui ont particulièrement accumulé la contamination ont été rasés et recouverts de terre. Et la ville nouvelle de Prypiat, fierté soviétique tout juste sortie de terre et dotée des meilleurs équipements est devenue une ville fantôme.
C’est tout cela que l’on peut voir désormais dans le cadre de visites “guidées” de la zone d’exclusion au départ de Kiev. Près de 30 000 visiteurs par an, et 30% de hausse depuis la diffusion récente de la série télévisée.
Nous sommes donc allé voir, sentir, éprouver ce désastre, et ne regrettons pas cette visite qui fait réfléchir sur ce que la négligence humaine peut produire de pire.

La plus grosse agence proposant des visites de la zone d’exclusion est chornobyl-tour, leur site est plutôt bien fait et semble pro. Nous sommes passés par une autre agence recommandée par notre hôtel, qui ne nous a pas éblouis… Notre guide nous a surpris par sa méconnaissance de la radioactivité et des bases de la radioprotection …
Immense champ de blé à la limite de la zone d’exclusion. Dans la zone d’exclusion, nous avons vu de nombreuses maisons habitées et des gens dans leurs jardins en train de récolter leur production
Ce mémorial donne le nom de tous les villes et villages définitivement évacués. Quand on prend l’allée dans un sens, les pancartes sont blanches comme partout en Ukraine. En repartant, on voit le revers des pancartes, noir barré de rouge …
Le réacteur n°4 sous son nouveau sarcophage terminé en 2016. ce sarcophage fait 162 mètres de long, 108 mètres de haut, un poids total de 36 000 tonnes, permet de protéger durablement l’environnement contre la contamination et de commencer le démantèlement dont les techniques restent à concevoir …
A proximité, les réacteurs n°5 et 6 en construction lors de l’accident. Tout est resté en l’état, y compris les grues
Prypiat, ville nouvelle désormais ville fantôme
La végétation envahit les constructions. Ici, un bar restaurant au bord de l’eau
Le complexe sportif de Prypiat. on peut y voir des panneaux soviétiques préparés pour la fête des travailleurs qui devait se tenir le 1er mai, et que les officiels ont eu du mal a annuler ! Elle s’est quand même tenue à Kiev avec des défilés dans les rues alors que la ville subissait des retombées radioactives
La ville de Prypiat était dotée d’un parc de loisir qui devait justement être inauguré le 1er mai. On y voit cette sinistre grande roue qui tourne en couinant sous l’effet du vent. L’une des “curiosités” du site est un point chaud (radioactivité élevée, 0,3mSv/h) dans une nacelle de cette roue. Ce serait un débris de pale d’un des hélicoptères qui ont déversé du sable sur le réacteur dans les quelques jours qui ont suivi l’accident. Le jeu consiste donc à approcher son dosimètre de la nacelle pour le voir s’emballer …
Les autos tamponneuses du parc à l’abandon
Le stade de Prypiat: à gauche, les tribunes, au centre, la piste, et à droite, le terrain de football mangé par la nature
Poignant: la crèche dans laquelle traînent encore des peluches, des cahiers (!) et auprès de laquelle on constate de réels points chauds
Et pour finir la visite, cet objet extraordinaire de plus de 700 mètres de long et 150 mètres de haut. C’est le récepteur du radar Duga-1 construit dans les années 1970 par les soviétiques pour la détection des missiles balistiques ennemis. Ce dispositif a été surnommé le “pic-vert russe” par les radioamateurs du monde entier car il émettait un signal tellement puissant (claquement répétitif) qu’il perturbait leurs ondes, mais aussi parfois le réseau des téléphones filaires ! Il a été désactivé en 1989, mais l’antenne est toujours là, et il faut la voir pour y croire !

Et la sécurité dans tout ça ?

Honnêtement, j’ai été un peu surpris de l’incompétence de notre guide lors de la visite: confusion entre radiations et contamination, ignorance patente des unités de mesures et des seuils réglementaires … Les consignes sont simples: porter des manches longues et ne pas boire ni manger à l’extérieur du bus, et rester dans les pas du guide … On reçoit un dosimètre individuel à l’entrée du site et on passe bien par un portique de détection à la sortie, mais impossible de trouver le site sur lequel sont publiées les doses cumulées mesurées par ces dosimètres.
Pour notre part, nous avons loué un dosimètre Terra-P avec lequel nous avons pu constater un faible niveau de radiation sur le parcours de la visite (0,08 microSv/h max), et nous avons lavé nos vêtement au retour à l’hôtel.
Mais le comportement des “nouveaux” touristes, principalement les jeunes intrépides totalement ignorants du risque, est affligeant (il y en avait un dans notre groupe, … français qui plus est !). Le summum pour ces aventuriers est de s’introduire clandestinement sur le site et y rester 2 jours pour tout visiter sans prendre de précautions !

Voilà pour cette visite étrange et poignante. Mais surtout, ne gardez pas que cette unique image de l’Ukraine en mémoire, Chernobyl n’est pas représentatif de ce pays qui en est une victime au même titre que la Biélorussie voisine touchée aussi gravement par l’accident.

Demain, nous filons vers le Sud par les magnifiques routes d’Ukraine (!…) pour passer en Moldavie, autre pays post soviétique qui ne nous laissera pas indifférents …

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