85. Côte Sud

Nous avons donc quitté Mardin le 9 octobre, premier jour de l’offensive turque en Syrie, et filé vers la côte méditerranéenne pour nous écarter de la frontière syrienne. Sur la route, nous avons passé plusieurs check-points et croisé pas mal de véhicules militaires, et notamment des transporteurs de chars qui venaient manifestement de “livrer” leurs blindés tout au long de la frontière. Nous pensions passer la nuit à Şanliurfa, mais les informations alarmistes reçues du consulat nous ont poussés à poursuivre jusqu’à Gaziantep. Nous avons rejoint la côte dès le lendemain soir et trouvé un petit hôtel en bord de mer, proche de Silifke. Drôle de sensation que de se retrouver ainsi en sécurité sur une plage, de dîner au calme en compagnie de touristes turcs complètement indifférents aux événements dramatiques qui se déroulent à moins de 500 km !
La suite de notre périple nous conduit donc le long de la côte Sud, très touristique (parfois trop) et incroyablement riche de sites antiques. La tentation est grande de s’arrêter à chacun d’eux, mais le temps commence à nous être compté.

Gaziantep

Dans notre “fuite” vers l’Ouest, nous ne nous sommes pas attardés à Gaziantep, nous y avons seulement passé la nuit dans un superbe hôtel de 330 chambres (Kule Hotel & Spa) qui domine la ville. Mais surprise: pas une goûte d’alcool dans cet hôtel, pas même une bière ! Pour la première fois depuis des années, j’ai bu un … coca ! Cette ville énorme est étonnante, elle s’est développée à une vitesse incroyable, passant de un à deux millions d’habitants en trente ans ! La construction immobilière y est délirante: nous avons traversé pendant des kilomètres des quartiers complètement neufs, avec des centaines d’immeubles construits sur le même schéma. Que deviendra tout cela dans cinquante ans ?

Mosquée en construction
Tous les immeubles sont équipés de ces dizaines de réservoirs d’eau sur le toit. C’est presque beau
Entre Gaziantep et la côte méditerranéenne, la principale activité agricole semble être … la banane ! Des km2 de bananeraies. Les régimes sont emballés dans des sacs, probablement pour mûrir plus vite
Qui veut des bananes ?

Sidé

Sidé est une cité portuaire antique très étendue, avec un amphithéâtre très bien préservé. C’est aussi un lieu un peu massacré par le tourisme massif. Chose étonnante: Göreme (Cappadoce pour ceux qui ne suivent pas) est devenu chinoise, Sidé est … allemande, au point que tous les commerçants s’adressent à nous en allemand ! Agaçant non ?
Pour autant, nous avons aimé cet endroit où nous avons pu récupérer des kilomètres avalés ces derniers jours.

Le temple d’Apollon.
Ne serait-ce pas Aphrodite au pied des colonnes ?
Plus de 100 ans avant J.-C., les romains ont construit une route de Bergama (au Nord de Izmir) à Sidé. Cette route longue de 495 km (333 miles romains) a été utilisée pendant des siècles. Cette pierre est une des plus anciennes bornes “kilométrique” romaines connues, elle indique le chiffre CCCXXXI: 331 miles de Bergama
Fontaine nymphée
L’amphithéâtre construit au IIe siècle est très bien conservé, il a été conçu pour les jeux du cirque. Chose curieuse, il a été transformé en église au VIe siècle !
Têtes de Méduse provenant de l’amphithéâtre
Ne manquez pas le musée de Sidé qui présente notamment de très belles sculptures
Nous quittons Sidé et longeons la côte vers l’Ouest. C’est une région agricole très riche: fruits, légumes, et coton. Et voilà le genre de véhicule derrière lequel on ne s’attarde pas trop en moto, de peur qu’il ne perde une partie de son chargement !
Les plaines sont couvertes de serres en plastique sur des km2. Nombre d’entre elles renferment des bananeraies

Kaş

Coup de cœur ! Kaş est une petite ville construite autour d’un port de pêche pittoresque. Très touristique, mais fréquentée essentiellement par les turcs, donc encore préservée de la déferlante étrangère. Il y règne une ambiance festive et calme à la fois. Et nous vous recommandons au passage l’hôtel Medusa, parfaitement situé et disposant d’un ponton de baignade formidable

Le port de Kaş
Le restaurant Smileys, très coloré qui propose une cuisine savoureuse
La vue de notre hôtel Medusa à Kaş, au petit matin. Ça vous tente ?

Karaköy

Village fantôme, témoignage d’un fait historique peu connu en France, et pourtant pas si ancien que cela. Cette ville de plus de 2 000 maisons a été créée par les grecs au VIIe siècle. La population était donc de religion chrétienne orthodoxe. A l’issue de la première guerre mondiale, le traité de Lausanne précise les frontières de la Turquie (disparition de l’empire ottoman) et institue les échanges de population entre la Grèce et la Turquie pour assurer l’homogénéité religieuse au sein des nouvelles frontières ! C’est ainsi que 400 000 musulmans grecs et 1 600 000 chrétiens turcs seront déplacés de part et d’autre de la nouvelle frontière entre 1924 et 1931.

Et depuis, la ville de Karaköy est déserte
L’église orthodoxe, vide
On peut déambuler librement dans les ruelles en friche de Karaköy, dans une ambiance bien particulière
Quelques maisons du bas du village sont toutefois habitées

Notre route nous emmène désormais vers la côte Ouest. Nous remercions tous ceux qui se sont inquiétés pour nous à cause du conflit à la frontière syrienne, et tenons à les rassurer: nous nous sommes rapidement éloignés de la zone, et n’avons jamais ressenti de sentiment d’insécurité. Mais nous ne pouvons oublier ce qui se passe là-bas, et le contraste avec la vie paisible et désinvolte que l’on observe ailleurs en Turquie, et en particulier en ces lieux très touristiques du Sud.
Il nous reste mille kilomètres à parcourir avant de sortir de Turquie, donc au moins un article de plus, à suivre.

Répondre à Christine Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

4 commentaires